Invasion totale de la foodographie
Un phénomène venu des USA fait des ravages en Europe : on « share » les photos de ce que l’on mange. La discipline s’est même trouvé un nom : « foodporn » ou « foodographie ».
On appelle foodporn (ou foodographie) l’art de photographier son assiette pour mettre en appétit ses amis via les médias sociaux (Facebook, Twitter, Baidu, Pinterest, Instagram). On retrouve les images à l’aide de quelques hashtags bien identifiés, dont le plus célèbre est #foodporn (nous avons fait le compte pour vous : 67 millions de photos rien que sur Instagram !).
Si la plupart des clichés publiés sont d’un intérêt relatif, des spécialistes sont nés rapidement, notamment sur Flickr et Instagram. Qui sont-ils ? Ce sont les amateurs de bonne cuisine, appelés « foodies », qui sont les principaux acteurs du domaine de la pornographie alimentaire. Leur secret : ils cherchent à reproduire les codes esthétiques de la photographie culinaire professionnelle et la mise en scène très travaillée des spots TV.
La règle est simple. Plus la photo est belle, plus le plat est alléchant, plus le partage est réussi en ligne.
Sur le podium
Alors, salade, sandwich, bagel, latte ? Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas le café ou le « latte art », mais la pizza qui se hisse au sommet du podium sur Instagram dans la catégorie «Food» avec 17 millions de posts comportant le hashtag «pizza». Plus étonnant par contre : les clichés les plus nombreux viennent de New York, bien avant Naples, lieu de naissance de cette star des spécialités culinaires italiennes. Suivent les représentations de sushis et de pâtes.
Les restaurateurs aiment ça (ou pas)
On «twitte», on «like» aussi en direct du resto mais il n’y a pas que le consommateur qui souhaite se distinguer. Les professionnels de la restauration ressentent eux aussi de plus en plus la nécessité d’être présents sur les réseaux sociaux et ainsi, de s’assurer une visibilité dans un contexte de concurrence accrue.
La qualité de l’assiette, donc des produits, reste la base du succès dans ce secteur d’activité. Pour ce faire, les professionnels s’associent eux-mêmes aux experts de la communication afin de compléter l’esthétique gustative par une esthétique visuelle. De même, par le biais des sites compilant les expériences positives et/ou négatives des consommateurs, ils les incitent à commenter et à partager. Le « foodporn » s’est donc installé dans nos vies quotidiennes pour de bon. Et il permet aussi de faire des affaires.
Pourtant, tous les restaurateurs ne jouent pas le jeu. En France, pays de la gastronomie par excellence, certains y voient deux dangers pour le patrimoine : d’une part la rupture de l’aspect sacré de l’expérience culinaire, de l’autre la qualité parfois médiocre des photos, qui renvoient une image négative de la cuisine.
Et demain ?
Et après le plat, pourquoi pas son compagnon idéal, la boisson ? Les évolutions liées à la consommation alimentaire se développent déjà dans le domaine, qu’on parle d’alcool ou des nouveaux breuvages naturels aux multiples vertus, façon combucha. Le #drinkporn n’est pas loin. Et il y a fort à parier qu’il va lui aussi s’inspirer des grands modèles de la photographie professionnelle pour réussir à créer l’envie.